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Création d'un livre maudit

Tristan Lhomme a publié Message d'outre-tombe, une aide de jeu pour L'Appel de Cthulhu. Ce supplément, inspiré du thème de la transmission et du savoir, récurrent dans l'œuvre de Lovecraft, propose aux investigateurs des pistes pour lancer leurs enquêtes tout en leur permettant de laisser un héritage.
- Étape #1 : les points de rédaction
- Étape #2 : le contenu
- Étape #3 : la mise en forme
- Étape #4 : le prix à payer
- Utilisation d'un Livre maudit
- Annexes
Étape #1 : les points de rédaction
Pour en être en mesure de calculer le nombre de points de rédaction nécessaire à la création d'un livre maudit, vous devez vous appuyer sur 3 éléments:
- Ce qu'il a vu : Mythe de Cthulhu
- Ce qu'il a compris : L'Occultisme
- Le nombre de fois où il est allé sur le terrain : Le nombre d'aventures
Le Mythe de Cthulhu représente la réalité du Cosmos, l'Occultisme ses efforts pour la rendre acceptable et le nombre d'aventures son expérience pratique. La formule de calcul des points de rédaction est :
(Mythe de Cthulhu + [Occultisme/2] + nombre d'aventures)/10 = Points de rédaction(entier supérieur)
Étape #2 : le contenu
Les points obtenus doivent être dépensés à sa convenance dans 7 catégories :
Catégorie | Nombre de points | Remarque |
---|---|---|
Mythe de Cthulhu | 1 point de rédaction par point de Mythe de Cthulhu | Un personnage ne peut pas transmettre davantage de points qu'il n'en possède pas |
Sorts | 2 points de rédaction par sort | Le rédacteur est limité aux sorts qu'il connaît, et ne peut pas en mettre d'avantage que de points en Mythe de Cthulhu |
Amorce | 1 point de rédaction par amorce | L'information qui peut servir à lancer l'aventure |
Contacts | 1 point de rédaction par contact | Le personnage non-joueur qui sert d'informateur dans un futur scénario |
Ennemis | 1 point de rédaction par ennemi | Un ancien adversaire qui est prêt à s'opposer à l'investigateur une fois qu'il aura lu ou été en possession du manuscrit |
Ressources | 1 point de rédaction par ressources | Une rapporte 100£ / 1000$ / 10000€, selon les époques. Cet argent, mis de côté par le rédacteur, est à la disposition de l'investigateur |
Compétence | 1 point de rédaction rapporte une coche de compétence | Rapporte une coche dans n'importe quelle compétence au choix du rédacteur |
Jean de Martigny se prépare à consigner ses souvenirs. Le joueur a 6 points de rédaction à dépenser.
Première version
Il décide d'en consacrer 4 au Mythe de Cthulhu. Ce sera un document théorique :
Jean a appris une paire de sorts, mais il refuse de les coucher sur le papier. (Et même s'il l'avait voulu, il n'aurait pas pu consigner les deux, car il a déjà dépensé 4 de ses 6 points de rédaction, or chaque sort en coûte 2.) Il lui reste 2 points.
Le Gardien des arcanes glisse au joueur qu'il envisage de démarrer un scénario dans les années 30. Fort de cette information, le joueur décide qu'une fois qu'il aura terminé son manuscrit, il l'enverra à son neveu Raoul, une tête brûlée qui commande un petit fort perdu au milieu du Sahara. Le joueur se voit assez bien incarner un officier de la Légion étrangère en permission, un gars jeune et solide, plus physique que ce brave Jean.
Sachant que l'argent risque d'être un problème pour Raoul - l'uniforme de la Légion est beau, mais la solde est mince - il affecte l'un des points restants à des ressources, sous forme de valeurs déposées dans un coffre anonyme. La clé fera partie de l'envoi. Le moment venu, Raoul n'aura qu'à se servir. Le dernier point sera consacré à un petit cours d'Histoire, vue par le prisme du Mythe.
Au final, il a dépensé 4 points en Mythe, 1 point en ressources et 1 point en compétences, soit les 6 points dont il disposait.
Deuxième version
Bien sûr, ce n'est que l'une des très nombreuses répartitions possibles.
Le joueur de Jean de Martigny aurait pu opter pour 2 points en Mythe de Cthulhu et deux sorts, pour (2 + [2x2]) points de rédaction.
Troisième version
Jean de Martigny aurait pu laisser complètement de côté les aspects les plus sulfureux de ses aventures (pas de points de Mythe).
Rien ne l'empêchait de transmettre un peu d'argent à son neveu, puis de s'étendre sur l'aide apportée à ses enquêtes par l'inspecteur Pierrelot, de la Sûreté, et par Madame de Vaudreuil, qui connaît le Tout-Paris sur le bout de ses adorables doigts (2 contacts). Il aurait pu parler des bruits étranges que les gardiens du Jardin des plantes entendent parfois dans l'ancien enclos de Castor et Pollux, les éléphants dévorés par les Parisiens lors du siège de 1870 (1 amorce), ainsi que de cette clairière, en forêt de Fontainebleau où, parfois, les rochers changent de place (une autre).
Enfin, il aurait pu insister sur la malfaisance du lieutenant Monthiel, qui fut son adversaire lors de sa première aventure, en 1917 (un ennemi).
Le résultat final aurait également représenté 6 points (1 en ressources, 2 en contacts, 2 en amorces et 1 ennemi).
En lisant les souvenirs de son oncle, Raoul aura l'impression qu'il a eu une vie agitée, peut-être au point de le déséquilibrer un peu, mais il ne ressentira qu'à peine le souffle de malignité cosmique qui fait vaciller l'équilibre de tant d'investigateurs.
Étape #3 : la mise en forme
Le personnage doit effectuer un test d'Arts et Métiers (Littérature) ou d'une autre compétence appropriée. La calligraphie, privilégiant la forme au détriment du fond, n'est pas une option valable.
Le test s'effectue à difficulté normale, sans possibilité de relance ni d'utilisation de la chance. Quel que soit le résultat, le manuscrit sera achevé, mais la réussite ou l'échec influencera les caractéristiques de l'ouvrage.
La carrière d'investigateur de Jean de Martigny commence dans les tranchées. Elle se poursuit à Paris après la guerre, jusqu'à cette terrible nuit de 1928 qui lui vaudra un séjour à Charenton.
À sa sortie, en 1930, Jean est à peu près remis. Il décide de coucher ses aventures sur le papier. Il a accumulé un respectable 20% en Mythe de Cthulhu, 60% en Occultisme, et il a vécu cinq aventures au cours de ses dix années de carrière. Cela lui accorde (20 + [60/2] + 5)/10 points de rédaction, soit 55/10, autrement 5,5 points, arrondis à 6.
Étape #4 : le prix à payer
Revivre ses anciennes aventures est une expérience traumatisante. Le rédacteur perd un nombre de points de SAN équivalent au coût final du document. En d'autres termes, coucher ses mémoires sur le papier peut mener à la folie.
Utilisation d'un Livre maudit
L'ouvrage est achevé, il faut le convertir en un livre conforme au système de règles de L'Appel de Cthulhu.
Perte de SAN
Le Gain en Mythe est la somme des deux valeurs : lecture initiale + étude approfondie
Gain en Mythe | Coût en SAN |
---|---|
0-4 | 1d3 |
5-8 | 1d6 |
9-12 | 1d10 |
13-18 | 2d6 |
19 et + | 2d10 |
Gain de Mythe initial
Une première lecture rapporte la moitié des points investis en Mythe lors de la création du livre, arrondis à l'entier supérieur.
Gain de Mythe complet
Sans surprise, le lecteur gagne +1 % en Mythe par point investi en Mythe à la création.
Valeur de Mythe si utilisé comme une référence
La formule de base est (total des deux gains de Mythe x 2)%
Si l'auteur a vécu moins de 10 aventures, ce chiffre n'est pas modifié. S'il a survécu à plus de 10 aventures, le multiplicateur est de x 3, pour refléter la variété de ses expériences.
Temps d'étude
La durée de base est un nombre de semaines égal au (total des deux gains de Mythe x 3).
Une réussite majeure au test d'Arts et Métiers (Littérature) réduit la durée d'étude de 2 semaines, tandis qu'un succès critique la divise par deux. En revanche, un échec ajoute 2 semaines au temps nécessaire, et un échec critique impose un délai supplémentaire de 1d6 + 2 semaines.
Résultat du test | Description |
---|---|
Réussite | - 2 semaines à la durée de base |
Succès critique | Durée de base / 2 |
Échec | + 2 semaines à la durée de base |
Échec critique | 1d6 + 2 semaines à la durée de base |
Intelligibilité
Chaque crise de démence, phobie ou période d'internement vécue par l'investigateur au cours de sa carrière ajoute une semaine au temps d'étude. Malgré tous ses efforts, ses obsessions refont surface, transformant ce qui devait être un compte rendu dépassionné en une tirade incohérente sur les dangers des orchidées mangeuses d'hommes.
Sorts
Il s'agit tout simplement des sorts définis lors de la création de l'ouvrage.
Annexes
À quoi ça sert ?
- Passer d'un investigateur à l'autre au sein d'une même époque : C'est exactement ce qui arrive au narrateur de L'Appel de Cthulhu lorsqu'il consulte les papiers de son oncle après le décès de ce dernier.
- Passer d'un investigateur à l'autre entre différentes époques : Il n'y a qu'une trentaine d'années entre les années 1890 et 1920, un intervalle suffisant pour justifier une transmission écrite, tout en permettant à certaines pistes d'être encore exploitables…même si de nombreux témoins seront décédés ou peu enclins à parler. De plus, rien n'empêche un personnage des années 2010 de découvrir le carnet de son arrière-grand-père…ou encore une pile de notes tapées à la machine dans les années 1980.
La compétence secondaire
L'Occultisme a été choisi par défaut, car de nombreux héros lovecraftiens s'y réfèrent et il s'adapte bien à la plupart des cadres de campagne. Cependant, un prêtre pourrait tout aussi bien fonder son manuscrit sur sa compétence Théologie, tandis qu'un savant s'appuierait sur une compétence scientifique. Il revient au joueur et au Gardien de déterminer ensemble quelle compétence traduit le mieux la vision du monde du personnage.
Si aucune compétence intellectuelle ne convient, remplacez [compétence/2] par [ÉDU/4]. Le document ainsi produit sera très terre à terre et pourrait fortement ressembler au Manuscrit trouvé dans une maison déserte de Robert Bloch.
Formules alternatives
Libre à vous d'estimer que la division par 10 est excessive, et d'octroyer davantage de points. Si vous jouez pulp, une simple division par 5 est envisageable…et même conseillée !
Création collective
Un groupe peut très bien rédiger ensemble le compte rendu de ses aventures et enfermer le manuscrit dans une vieille malle, destinée aux générations futures.
Dans ce cas, le calcul des points de rédaction suit une règle légèrement différente : chaque joueur calcule ses points de rédaction comme d'habitude, mais seule la valeur la plus élevée est retenue, avec un bonus de +1 par membre du groupe.
Par exemple, si Jean de Martigny rédigeait avec l'aide de deux compagnons d'armes et que son score de 6 points de rédaction était le plus élevé, le groupe disposerait de 9 points de rédaction à répartir (6 + 1 par co-auteur).
L'attribution des points de rédaction peut se décider par consensus, ou chaque joueur peut dépenser une fraction du total (par exemple, 3 points de rédaction chacun dans un groupe de trois). Cependant, la mise en forme finale du manuscrit incombe à un seul personnage.
Pourquoi écrire ?
L'écriture n'est qu'un moyen de communication parmi d'autres. Certains livres du Mythe prennent la forme de morceaux de musique ou de pièces de théâtre, dont les véritables effets ne se révèlent qu'à travers leur interprétation. On pourrait aussi imaginer des tableaux, des photographies ou même des bâtiments regorgeant de révélations cryptées…
Le seul véritable obstacle à ces formes de transmission est la Santé Mentale des investigateurs. Il faut atteindre 0 en SAN pour percevoir des associations symboliques assez puissantes et universelles pour transmettre un message complexe sans recourir aux mots.
Une question de rendement
Avec ces histoires de gain initial et de gain complet, si je consacre 10 points de rédaction au Mythe de Cthulhu, mes Mémoires en rapporteront 15 à leurs lecteurs, même si mon personnage n'a que 10 % en Mythe ? Il n'y a pas un souci, là ?
Si l'on considère l'information comme un élément purement linéaire, se transmettant à l'identique, alors oui. Mais en se référant aux nouvelles de Lovecraft, ce n'est pas si simple.
Lorsqu'un héros lovecraftien lit un livre maudit, il ne se contente pas de l'absorber passivement. Il établit des connexions, met en relation ce qu'il vient de découvrir avec sa propre expérience, et en tire de nouvelles idées. En d'autres termes, il sème en lui une vilaine petite graine, destinée à germer dans son esprit…avec des conséquences imprévisibles.
Cette amplification du signal entre l'émetteur et le récepteur est donc tout à fait délibérée. En revanche, l'auteur ne gagne pas de points de Mythe supplémentaires en se relisant, et il ne perd pas de SAN non plus. Cependant, s'il utilise son propre ouvrage comme référence, il bénéficie de la valeur totale de Mythe. Évidemment, en se relisant, il réalise que certaines informations s'entrelacent de manière inattendue, révélant des connexions qu'il n'avait pas envisagées.
Ajuster la valeur de référence
La formule (total des deux gains de Mythe) x3 % est celle qui régit les ouvrages du Mythe, comme vous pouvez le voir en examinant la liste du chapitre Ouvrages occultes du Manuel du Gardien.
Le présupposé derrière le x2% est que les investigateurs possèdent nécessairement une vision plus limitée des réalités cosmiques qu'un sorcier hyperboréen, un Arabe dément ou même un poète décadent de Nouvelle-Angleterre. Ce n'est qu'après avoir vécu de nombreuses aventures qu'ils parviennent à atteindre le x3%.
Toutefois, si vous estimez que la différence entre investigateur vétéran et auteur de livres maudits est artificielle, rien ne vous empêche d'octroyer x3 % dès le départ. La carrière de Friedrich von Juntz, entre autres, plaide en faveur de cette solution.
Dans tous les cas, souvenez-vous qu'une référence peut être oblique et imprécise.
La couleur d'un livre du Mythe, l'odeur d'un livre du Mythe
Lorsqu'il dépense ses points de rédaction, le joueur peut choisir de ne pas les investir en Mythe. Dans ce cas, l'ouvrage apporte 0/0% en Mythe et a une valeur de 0% en tant qu'ouvrage de référence. Son temps d'étude est d'un jour pour chaque point important qu'il contient (contact, ennemi, etc.).
Ce livre peut presque passer pour une œuvre de fiction, mais un réalisme angoissant émerge sous ce presque. Sa lecture coûte donc 1 point de SAN, tandis que la rédaction n'en coûte qu'un seul au créateur de l'ouvrage.
Si vous jouez dans un cadre où la lutte contre le Mythe s'inscrit au sein d'une organisation, voire d'une bureaucratie, la plupart des rapports de terrain des agents sont de ce type. Leurs auteurs consacrent rarement beaucoup de temps et d'énergie à réfléchir sur ce qu'ils ont observé ou à confronter l'horreur à leur vision du monde. Ils se concentrent sur des éléments concrets : noms des suspects, dates, preuves, etc.
Les malheureux qui vont au-delà de cette simple énumération risquent de produire des documents dangereux pour leur SAN. Si l'organisation sait ce qu'elle fait, ces rapports sont généralement classés à part, enfermés dans un coffre-fort, avec des tampons du type Ne pas diffuser.
Je savais bien que le vieux était gâteux
Rien n'oblige la personne qui découvre les mémoires d'un investigateur à les croire. En général, leur contenu est souvent parfaitement incroyable.