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Le règne de la terreur

Paris, 1794, une charrette bringuebalante avance lentement sur les pavés inégaux de la capitale, escortée par des soldats qui écartent la foule agitée. À l'arrière du véhicule, des hommes et des femmes s'entassent, abattus pour certains, stoïques pour d'autres. L'un d'eux, la tête haute, nous tourne le dos, dissimulant son visage à ceux qui l'observent.
Les rues résonnent des moqueries et des gestes railleurs des badauds. Au milieu de la cohue, une vieille femme, serrant deux enfants contre elle, suit la scène avec angoisse. Un cri déchire l'air - un nom lancé par un homme barbu - mais il se perd dans le tumulte. Plus loin, une jeune femme aux cheveux blonds coupés regarde le cortège passer, le regard empli de tristesse. Un jeune homme, lui, observe un instant, résigné, avant de se détourner.
Bientôt, la place apparaît, dominée par la silhouette sinistre de la guillotine. La charrette s'arrête. L'homme à la posture fière descend en premier. Sans un mot, il gravit les marches et s'agenouille de lui-même. Un frisson parcourt l'assemblée. La lame s'élève dans un silence suspendu puis s'abat.
- L'entrée des catacombes
- Composition de la brigade royale
- Cimetière des Saints-Innocents
- Les Ombres des Catacombes
- Massacre à l'immprimerie
- Rapport au Capitaine Malon
L'entrée des catacombes
Dans la nuit du 2 juin 1789, alors que la France est en pleine effervescence, une brigade de la Garde royale prend position à l'entrée des catacombes de Paris. Sous les ordres du Duc du Châtelet, cette unité assure une mission de sécurisation, loin des grandes manœuvres militaires qui agitent le royaume. L'endroit leur offre un avantage stratégique : un abri à l'écart des troubles grandissants et une source potentielle de ravitaillement.
Le contexte social du printemps 1789 reste particulièrement instable. Depuis plusieurs mois, la crise financière et les mauvaises récoltes exacerbent les tensions. Le peuple souffre de disette tandis que la monarchie vacille sous le poids de dettes abyssales. L'ouverture des États généraux, le 5 mai, attise les frustrations : tiers état en révolte, noblesse divisée, rumeurs d'insurrections. À Paris, les esprits s'échauffent. La colère gronde dans les faubourgs, et les premiers affrontements opposent le peuple aux forces royales.
Dans ce climat de plus en plus incertain, la mission confiée à la brigade stationnée aux catacombes prend un sens particulier : les soldats cherchent à préserver un semblant de stabilité tout en restant à l'écart des combats qui opposent déjà, ailleurs, les forces royales aux partisans du changement.
Composition de la brigade royale
Nom | Description |
---|---|
Michel Beaumains | Un homme très grand et robuste, un ardent disciple de Rousseau qui adhère aux idéaux de liberté et d'égalité. Toutefois, engagé comme soldat pour subvenir aux besoins de son père, il garde ses convictions personnelles sous silence afin d'éviter les conflits avec ses camarades, notamment les partisans de l'ordre établi. Malgré son obéissance apparente, son esprit reste enflammé par les idées des Lumières, et il observe avec attention les bouleversements de son époque. |
Jean Dupois | Un vieux soldat gascon au tempérament irascible, marqué par 25 ans de service après s'être porté volontaire pour fuir une vie de corvées paysannes. Alcoolique invétéré, il n'en reste pas moins un combattant aguerri, toujours prêt à défendre sa vision du monde. Royaliste dévoué, il est persuadé du caractère divin de la monarchie et méprise les révolutionnaires qu'il considère comme des traîtres à l'ordre naturel. Veuf, il porte encore le deuil de son épouse Sylvia, emportée par le choléra, une tragédie qu'il attribue aux miasmes pestilentiels du cimetière des Saints-Innocents. |
Joseph Hugel | Un paysan breton au caractère fier et déterminé, dont la loyauté va avant tout à sa terre natale plutôt qu'à la France. Vivandier au sein de l'armée, il assure le ravitaillement et le soutien logistique des soldats, mais derrière son rôle en apparence modeste se cache une farouche opposition à la monarchie. Pour lui, le pouvoir royal n'est qu'un joug oppresseur qui écrase la Bretagne et entrave son indépendance. Pragmatique et débrouillard, il sait naviguer entre les tensions politiques de l'époque tout en nourrissant l'espoir d'une Bretagne libre. |
Christophe Pressi | Un jeune homme fringant et séduisant, né dans une modeste famille de paysans mais destiné dès son enfance à la prêtrise. Intelligent et ambitieux, il a su tirer profit de son éducation, mais son cœur s'est toujours rebellé contre le destin qu'on lui imposait. Grand rêveur, il croit en l'amour et au romantisme, des idéaux qui le poussent à entretenir un amour impossible avec Mélodie, la fille d'un comte. Déchiré entre son ascension sociale et sa passion interdite, il oscille entre raison et sentiment, pris au piège d'une époque troublée où l'amour n'a pas toujours sa place. |
Sergent Thierry Renault | Un militaire endurci et un monarchiste constitutionnel convaincu. Il croit fermement à l'importance de l'aristocratie et à l'ordre établi, voyant la Révolution avec méfiance. Son expérience et sa discipline en font un leader naturel, bien qu'il puisse se montrer autoritaire envers ses compagnons. |
Cimetière des Saints-Innocents
Le 7 mai 1780, un événement tragique rappelle à tous la surcharge insoutenable du cimetière des Saints-Innocents. Ce jour-là, les murs de la cave d'un restaurateur, situé à proximité du cimetière, cèdent brutalement sous la pression des terres saturées de dépouilles en décomposition. Une odeur pestilentielle s'échappe des décombres, s'infiltrant dans les rues environnantes et provoquant la panique parmi les riverains.
Malgré la décision officielle du 4 septembre 1780 de fermer le cimetière, l'urgence sanitaire se heurte à la lenteur administrative et aux habitudes bien ancrées. Pendant encore plusieurs années, les corps continuent d'être entassés dans des fosses communes déjà pleines à craquer. Le danger sanitaire s'aggrave, et les plaintes des Parisiens se font de plus en plus pressantes.
Ce n'est qu'en 1785, sous l'impulsion des autorités, qu'une solution radicale est mise en place : le transfert des ossements vers une ancienne carrière souterraine située au sud de la ville. Depuis maintenant quatre ans, des charrettes noires, recouvertes de lourds draps funèbres, sillonnent Paris depuis le quartier des Halles, transportant nuit après nuit des monceaux d'ossements vers leur nouvelle demeure. Ces processions lugubres avancent dans le silence, escortées par quelques prêtres psalmodiant des prières pour les âmes des défunts.
Afin de garantir la sécurité des ouvriers affectés à cette macabre tâche, Lucien Rigault, médecin à la cour de Versailles, surveille leur état de santé. Il s'assure que l'air reste respirable et que les conditions de travail ne mettent pas en péril la vie de ces hommes. Les carrières, autrefois exploitées pour bâtir la ville, deviennent ainsi un ossuaire gigantesque, un labyrinthe silencieux où s'entassent désormais des siècles d'histoire humaine.

Les Ombres des Catacombes
Deux ouvriers, occupés à charger des ossements sur une charrette, entendent soudain un bruit incongru. Un carrosse immaculé, éclatant sous la lueur des lanternes, surgit du néant. Son apparition, réelle dans ce lieu où règne la mort, fige les travailleurs sur place.
L'un des battants s'ouvre, révélant un intérieur d'un rouge profond. À l'intérieur, un homme d'une élégance rare se penche sur une jeune femme, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Rien, dans cette scène intime et troublante, ne semble perturber le noble, comme s'il ignorait jusqu'à l'existence du monde extérieur.
Lorsque Beaumains s'approche, le regard du noble se lève et croise le sien. Un instant suspendu, où plus aucun bruit ne parvient aux oreilles du brigadier. Ce regard froid, insondable, presque trop intense pour appartenir à un simple mortel. Beaumains sent son souffle se bloquer, comme si une force invisible s'était emparée de lui. Puis, sans un mot, le noble détourne les yeux, le cocher claque son fouet et le carrosse disparaît dans la nuit.
Beaumains reste un moment interdit avant de retrouver la réalité. Le silence qui s'est installé autour de lui paraît soudain plus pesant. Il se retourne et voit que les autres ouvriers, qui jusque-là déversaient leurs brouettes de crânes et de tibias dans l'entrée des catacombes, se sont figés. Certains reculent déjà, leurs visages blêmes reflétant une terreur croissante.
Lucien Rigault, accablé par des semaines de travail sous tension, par la puanteur de la mort et l'ombre de la révolte qui s'étend sur Paris, tente de rassurer ses hommes. Mais le Sergent Renault intervient et propose qu'ils vérifient par eux-mêmes. Rigault hésite, répugnant à descendre dans ces galeries noires et humides, mais il sait que s'il refuse, la peur des ouvriers ne fera que croître.
Il accepte, à contrecœur. Le Sergent Renault désigne Beaumains pour l'accompagner. D'un geste résolu, le brigadier resserre sa prise sur sa lanterne. Sans un mot de plus, ils s'avancent vers l'entrée obscure.
Dans les catacombes, les couloirs se succèdent sans fin, plongeant Beaumains et Rigault dans une ambiance oppressante et étouffante. La tension est palpable et chaque pas résonne comme un coup de marteau. Soudain, Beaumains croit apercevoir une silhouette accroupie dans le noir, à sa droite. Deux yeux jaunes le fixent, glacials et menaçants. Cette vision fugace le pétrifie de peur. Le cœur battant à tout rompre, il continue malgré tout sa progression aux côtés de Rigault. Une dizaine de minutes plus tard, ébranlés mais soulagés, ils remontent enfin à la surface. Le travail des ouvriers peut reprendre.
Massacre à l'immprimerie
À 3h du matin, le silence nocturne est brisé par le galop rapide d'un cheval. Le Capitaine Louis Malon, arrivé en toute hâte, s'adresse au Sergent Renault. Il lui assigne une nouvelle mission cruciale pour la brigade : se rendre sans délai à l'imprimerie située rue de la Harpe. La propriétaire, Madame Bossat, a signalé un meurtre. Avant que les soldats ne partent, Malon insiste pour que Renault lui fasse un compte rendu complet, non seulement sur le crime lui-même, mais aussi sur ce qui était en cours d'impression ce soir-là dans l'atelier. L'urgence de la situation se ressent dans chaque mot du capitaine, et la brigade se prépare à partir, consciente de l'importance de leur mission.
La brigade se rend rue de la Harpe. À leur arrivée, le Sergent Renault hurle à la foule de se disperser, cherchant à rétablir l'ordre au milieu du tumulte. Les murmures de mécontentement montent des rangs du peuple, maudissant les aristocrates avec ferveur. À l'entrée de l'imprimerie, une femme au visage livide, visiblement en état de choc, est assise, les yeux écarquillés et les mains tremblantes. L'atmosphère est lourde de tension, et la brigade se prépare à découvrir l'ampleur du drame qui vient de se jouer.
Le Sergent Renault, avec une efficacité militaire, répartit les tâches au sein de la brigade :
- Pressi est chargé d'inspecter l'imprimerie de fond en comble à la recherche d'indices.
- Hugel, quant à lui, a pour mission de contenir la foule de curieux et de maintenir l'ordre.
- Renault s'approche de Madame Bossat, espérant obtenir des informations cruciales sur les événements de la nuit.
- Beaumains et Dupois, alertes et vigilants, doivent surveiller les actions et réactions des personnes présentes sur les lieux tout en donnant un coup de main à Hugel.
La scène qui s'offre à Pressi est d'une horreur indescriptible. La porte de l'imprimerie est brisée, et le sol est maculé de sang. Une odeur âcre et nauséabonde de sang mêlée à celle de l'encre envahit la pièce, ajoutant à l'atrocité du spectacle. Au milieu du chaos, le corps décapité du chien gît à terre, symbole de la cruauté des meurtriers. Pressi, l'estomac noué par la terreur, découvre avec horreur les cadavres décapités d'un couple et de leurs enfants. Derrière ces corps inanimés, deux imposantes pièces d'imprimerie se dressent, impassibles, témoins muets du massacre. Chacun des cadavres a un morceau de papier enfoncé dans la bouche, un détail sinistre qui ajoute à la brutalité de la scène. Sous chaque corps, une trace circulaire rouge est visible, mais il n'y a pas de sang autour, comme si un seau avait été utilisé pour le recueillir. Pressi imagine avec horreur que le sang pourrait avoir servi à imprimer des tracts.
La découverte des tracts ajoute une dimension encore plus troublante à cette affaire. Les tracts originaux, portant le titre Qu'est-ce que le tiers état ?, sont d'une nature révolutionnaire, mais ce sont les papiers replacés dans la presse qui captent l'attention de Pressi et Renault. Ces nouveaux documents affichent un message terrifiant en lettres de sang : Restez à votre place ! Ces papiers ensanglantés, utilisés pour remplir la bouche des cadavres, témoignent de la brutalité et du message clair du meurtrier.

Dupois et Beaumains fouillent chaque recoin de la rue située devant l'imprimerie. Soudain, leurs regards se posent sur un objet inattendu : un mouchoir de femme délicatement brodé avec les initiales M.A. Intrigués, ils examinent ce nouvel indice et commencent à formuler des hypothèses. Grâce à des traces laissées sur le sol, ils en déduisent que ce mouchoir pourrait bien indiquer l'emplacement où était stationné le carrosse de l'auteur du crime.
Rapport au Capitaine Malon
Les éléments de la scène de crime laissent penser que ce massacre atroce pourrait bien être l'œuvre d'une seule et même personne. La brutalité des meurtres, l'utilisation méthodique des seaux pour recueillir le sang et les tracts enfoncés dans la bouche des victimes montrent une planification et une détermination glaçante. Les indices, soigneusement rassemblés, sont remis au Capitaine Malon. En les voyant, son visage blêmit, révélant la gravité de la situation. Avec un ton ferme, il ordonne à la brigade de garder le silence absolu sur ce qui a été découvert. Avant de les congédier, il fixe rendez-vous à la brigade pour le 4 juin à Versailles, exigeant qu'ils reviennent avec toutes les preuves et témoignages nécessaires.
Au petit matin du 2 juin, une rumeur commence à enfler dans les rues de la ville. Les chuchotements se propagent rapidement, suggérant que l'imprimeur Raymond et sa famille ont été brutalement assassinés pour avoir osé imprimer des tracts contre le Roi.